Anne De Kerviler, équipière sur Pen Duick VI
Comment en sommes-nous arrivés là ? En avril 2022, Marie Tabarly annonce qu’elle recherche un équipage pour courir la course autour du monde à bord de Pen Duick VI, le nouveau projet de son association Elemen’terre. La nouvelle se propage rapidement, et nous la découvrons tous de différentes manières. Mes deux petits frères me la partagent le jour même en me disant de foncer. La sélection débute avec des vidéos et des lettres de motivation, puis des entretiens. Elle se poursuit en mer au travers de navigations et de régates au cours desquelles j’ai la chance de faire de merveilleuses rencontres et de découvrir un bateau riche en histoire et en sensations. Les équipages de candidats se répartissent sur l’Armen Race, la Fife Regatta, le tour d’Irlande, la Drheam Cup et enfin le Tour des Îles Britanniques.
L’opportunité de rouvrir la course au large à un plus grand public
En septembre, Marie nous réunit pour un week-end d’olympiades, les « Elemen’terre Games », afin que tous les candidats se rencontrent. Nous découvrons tous ensemble la liste des Volon’terres – les 14 bénévoles qui alterneront entre les quatre étapes de l’Ocean Globe Race. Cette course rassemble des bateaux dessinés avant 1988 pour un tour du monde en équipage avec escales. Dans l’esprit de la première Whitbread de 1973, qui, comme Pen Duick VI, fête ses 50 ans cette année, le tour se fait sans GPS avec les moyens d’autrefois. De plus, chaque équipage doit être constitué d’au minimum 70 % de bénévoles, ce qui donne l’opportunité de rouvrir la course au large à un plus grand public, et un maximum de 70 % de l’équipage peut être renouvelé entre chaque étape. À bord, nous sommes 12 : Marie, la capitaine ; Tom, le second ; Kai, le technicien du bateau ; le navigateur ; le cuisinier et les sept Volon’terres. En mer, la vie est rythmée par les quarts : trois heures sur le pont, trois heures de repos et trois heures de stand-by.
u cours de nos navigations, nous progressons rapidement en suivant les conseils des plus expérimentés, petit à petit les manœuvres deviennent plus fluides. Nos empannages sous spi dans les alizés se font maintenant les yeux fermés. Je trouve mes marques et positions favorites, je me précipite à l’avant dès que nous manœuvrons. Le sixième jour de la transat, un gros « CLACK » me réveille, nous sortons tous de nos bannettes en courant pour rejoindre le quart sur le pont, la drisse de spi a rompu. À la barre, Élodie maintient le spi sous le vent pour faciliter sa récupération. Il y a 40-45 nœuds dans le grain, il pleut des cordes et une vague balaie le pont. Nous sommes huit alignés à l’avant pour ramener le spi à bout de bras. Je me retrouve dans la soute à voile avec Marie, et prises de fous rires, nous remontons les bords d’attaque pour démêler le spi.
À l’issue de la transat, en arrivant à Grenade, nous retrouvons les autres équipages, puis passons quelques jours à naviguer dans les îles. De retour aux Caraïbes après 40 ans, les Antillais se souviennent du bateau, les Dominicains nous accueillent avec enthousiasme, heureux de retrouver Pen Duick VI. La cohésion d’équipage se renforce aussi bien en mer qu’à terre. En mer, les manœuvres rythment nos journées, et des parties de cartes endiablées nous permettent de découvrir nos différentes personnalités. Newsflash : nous aimons tous gagner. À terre, nous avons la chance de découvrir ensemble des endroits extraordinaires avec de belles randonnées et des baignades dans les Antilles. Une partie de l’équipage débarque mi-février pour laisser sa place au reste de l’équipe avant la Caribbean 600 et une transat retour intense à la suite d’aléas météo et d’avaries de barre.
Cet été, l’équipe s’active pour finir de préparer le bateau, nous testons les nouvelles voiles et leurs pennons roses. La sécurité à bord est primordiale, nous nous entraînons aux manœuvres d’homme à la mer. Si l’un de nous tombe, une excellente coordination de l’équipe est nécessaire, compte tenu du haut franc-bord de Pen Duick VI, une seconde personne doit sauter. Ces discussions sont indispensables, et nous sommes tous attentifs aux expériences de chacun.
Il y a quelques jours, émus, nous disions au revoir à la Bretagne pour rejoindre Southampton. Le bateau est prêt, et notre fine équipe aussi.
Martin Keruzore
